jeudi 28 février 2008

Vald était seul sur les quais, il faisait déjà nuit, c'était normal par un soir d'un mois de décembre. Il faisait humide et froid, les néons produisaient une lumière hâve et sale.

Cela faisait plus d'une heure que Vald attendait son train, il grelottait dans son pull : le froid s'y infiltrait insidieusement ; il ne pleuvait pas pourtant Vald était trempé. La batterie de son lecteur MP3 était bientôt à plat. Dans la gare, l'absence d'âmes vivantes commençait à lui faire peur.

C'était absurde, comment pouvait-on être effrayé de choses aussi enfantines au XXIème siècle ? Depuis longtemps il ne croyait plus aux contes de fées, il n'avait jamais eu peur du noir et ne s'imaginait pas qu'il y avait, par hasard, des monstres dans sa penderie. Mais pourquoi une telle crainte ? Pourquoi se sentait-il paniqué comme un animal se sentait traqué ?

Il n'avait jamais eut peur des sous-sols, pourtant celui-là le terrorisait. Les murs étaient nus, des câbles glissaient dessus à la façon de serpents. Aucun bruit ne se faisait entendre, pas même une goutte d'eau sur le sol sale et glissant des quais. Déjà, sur le quai, la lumière qui était si faible n'était pas rassurante, mais dans les tunnels, chaque néons étaient séparé de 10 mètres d'obscurité absolu. Ils n'illuminaient que leur propre forme, tel des yeux de démons aux agguets d'une proie potentielle, des boyaux que les trains empruntaient. Ces lumières se perdaient dans les ténèbres : de plus en plus, un épais brouillard tombait, et avalait les lampes halogènes ne laissant d'elles qu'une vague silhouette.

Vald était gelé, de peur de réveiller un quelconque monstre, il baissa le son de son lecteur MP3 : «Pour économiser de la batterie.» pensa-t-il pour se rassurer.
Ainsi les violons furieux de l'orchestre mémorial de Silver Mt Zion se transformèrent en un faible murmure, tel une berceuse accompagnant le froid.

«Quelle ennuie !, pensa Vald en regardant sa montre, il est bientôt minuit». Cette nuit-là, Vald la sentit comme une boule au fond de sa gorge.

***

Vald s'entendait respirer, il s'entendait trembler et surtout, il entendait l'assourdissant silence de la station (L'orchestre s'était définitivement tut). Personne autour de lui, pas la moindre âme vivante ne venait hanter les quais de sa rassurante présence. Vald regarda sa montre : minuit moins une. Il hésitait à revenir en arrière, prendre les escaliers au risque de se faire agresser dans la rue mais la lourde pénombre les avait envahit et rendait son aspect encore plus effrayant que le reste. De plus, les stores métalliques avaient été tirés, coupant ainsi à Vald tout espoir de retour en arrière. Il se résigna, il abandonna la lutte ; il s'assit sur un des sièges métallique et décida d'attendre le matin. Il était seul dans le noir, dans le brouillard qui ne cessait de progresser dans son corps le gelant de l'intérieur ; aucun son ne naissait ni de sa bouche ni de l'étrange endroit qui aurait dût être une gare. Vald commençait à perdre espoir, il se sentit plus seul que jamais, il avait froid, il avait envie de pleurer…

Mais soudain ! Un vacarme au loin, son instinct ne le trompait pas ; il tendit l'oreille. Par la gauche, il en était sûr… Apparut dans un vacarme hurlant, un soleil énorme, perçant la purée de pois, désormais omniprésente. Le globe de flammes se rapprocha criant avec une rage d'outre-tombe. Un train d'un autre temps s'arrêta devant Vald.

« Un moyen de rentrer chez soi ?! pensa-t-il. Un train à vapeur ?! »

Du train, outre les bruits d'une mécanique infernale, Vald pouvait entendre les bruits caractéristiques de rires et de bavarderie. Il sentit des effluves de viande rôtie et de chaleur humaine. Ces senteurs semblaient venir d'un autre monde que le corps de Vald avait oublié tellement il était transi par le froid humide qui régnait sur le quai. Devant lui, une porte s'ouvrit et du wagon sortit un contrôleur au visage jovial et souriant. Une barbe, entretenue et des lunettes rondes, lui donnant un style incertain.

- Alors gamin ? Que fais tu ici en pleine nuit ? demanda-t-il.
Face à une question aussi absurde et inattendue de la part d'un contrôleur, Vald resta sans voix et continua à grelotter sur place.

- Sand' ? dit une voix derrière le contrôleur. Pourquoi nous sommes-nous arrêtés ?

Un homme apparut dans l'ouverture de la porte, il était grand, brun, vêtu d'un costume en soie rouge brillant.

«Étrange, pensa Vald, peut-être une soirée à thème.»

- Qui est ce garçon, Sand' ? Demanda l'homme.
- Je ne sais pas, répondit le contrôleur, il était sur le quai. Liea l'a sûrement vu et s'est arrêté pour le prendre à bord, avec ce brouillard il est difficile de voir clairement une personne. Dailleur ou sommes nous ?

Le contrôleur regarda le décor de la gare dans l'espoir de trouver un repère à sa question, puis se tourna vers Vald.

- euh, et bien à Paris.

- Paris ?! Dit le vieil homme

- Sans doute une nouvelle ville, ces derniers temps les provinces sont en pleine extension. Répliqua le contrôleur.

«Ces gens doivent êtres des étrangers..., pensa Vald, comment ne pas connaître Paris.»

- Fais le monter, ne vois-tu pas qu'il est gelé ?

- Tout de suite, monsieur. Alors gamin, tu veux monter ? On te dépose quelque part ?

- Euh… Oui. Répondit Vald, étonné.

- Comment t'appel tu jeune homme ? Demanda le vieil homme.

- V.. «Vald hésita, puis aperçu une affiche de cinéma derrière le contrôleur, mieux vaut être prudent.»
Ichinose. Répondis-je

***

Ainsi Ichinose monta dans le train. De nombreuses fois, je me demande pourquoi j'étais monté si facilement. Peut-être parce que j'avais froid, très froid ; peut-être parce que les enivrantes senteurs me rendais dingue et affamé. Je quittais le quai sans plus de remords, heureux de laisser derrière ce climat glacé, ce brouillard, ma solitude terrifiante. Lorsque j'entra dans le wagon, je ne remarqua pas que la trotteuse de ma montre s'était arrêtée.